Photovoltaïque : quand la justice punit les « fautes de la banque »

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Le scénario suivant est bien connu des victimes des aigrefins du photovoltaïque : démarchés à domicile par un commercial qui leur fait miroiter des rendements mirifiques, ils signent un bon de commande pour l’installation de panneaux, ainsi qu’un contrat de crédit associé, auprès des sociétés de crédit Sofemo, Solfea ou Cofidis. . Les panneaux à peine posés, ils sont priés de signer un bon de de livraison, qui constitue un ordre de libération des fonds : la banque les envoie à l’installateur, alors même que les travaux ne sont pas terminés. Les panneaux ne produisent pas le rendement attendu – voire ne marchent pas -, mais la société n’intervient pas parce qu’elle a fait faillite, et les clients doivent rembourser l’emprunt, sous la menace des huissiers. Depuis quelques mois, les tribunaux mettent en cause la responsabilité des organismes de crédit, qui, notamment, débloquent les fonds sans vérifier si les travaux sont bien finis. Les cours d’appel de Toulouse, le 7 août, et de Bordeaux, le 21 septembre, ont ainsi jugé à plusieurs reprises que « les fautes de la banque »en l’occurrence Solfea, devaient la priver de tout remboursement. . . Ni raccordement ni autorisations administratives Le 23 avril 2013, M. X, démarché par un commercial de Groupe solaire de France(GSF),  signe un bon de commande d’une installation photovoltaïque et une offre préalable de crédit affecté (19 900 euros) auprès de la banque Solféa. Le bon de commande indique que les travaux seront payés sous certaines réserves : raccordement de l’onduleur au compteur de production, obtention du contrat de rachat de l’électricité produite, obtention de l’attestation de conformité auprès du Consuel, raccordement ERDF . Le bon de livraison que signe le client le 5 juin 2013 n’est pas conforme au bon de commande. La cour d’appel de Toulouse (15/04043) rappelle que « la fourniture de la prestation doit correspondre à l’exécution complète de l’engagement contractuel souscrit par le vendeur » ; or « il apparaît que les travaux exécutés ne correspondaient pas à une exécution complète de la prestation de service commandée par M. X dès lors que les raccordements et autorisations administratives qui avaient expressément été mis à la charge de Groupe solaire de France selon le bon de commande et faisaient partie intégrante de sa prestation, n’avaient pas été réalisés ». Elle juge que  » la banque, qui ne pouvait déduire de l’attestation signée le 5 juin 2013 qui révélait une non-conformité des travaux dont l’exécution était mentionnée au bon de commande en sa possession, qu’elle était autorisée à verser le montant de l’emprunt à l’installateur, a agi avec légèreté en débloquant ces fonds prématurément  ». Elle la condamne à payer à M. X 15 000 euros de dommages et intérêts. . . Exécution incomplète de la prestation La cour d’appel utilise quasiment les mêmes termes pour juger l’affaire de M. Y(15/04045) qui, le 10 septembre 2013, a signé un bon de commande de Groupe solaire de France et une offre de crédit affecté de Solfea : « La fourniture de la prestation doit correspondre à l’exécution complète de l’engagement contractuel souscrit par le vendeur. » Or « il apparaît que les travaux exécutés ne correspondaient pas à une exécution complète de la prestation de service commandée par M. X dès lors que les raccordements et autorisations administratives qui avaient expressément été mis à la charge de Groupe solaire de France, selon le bon de commande, et faisaient partie intégrante de sa prestation, n’avaient pas été réalisés ». Elle juge que  » dans ces conditions, la banque, qui ne pouvait déduire de l’attestation signée le 23 septembre 2013, qui révélait une non-conformité des travaux dont l’exécution était mentionnée au bon de commande en sa possession, qu’elle était autorisée à verser le montant de l’emprunt à l’installateur, a agi avec légèreté en débloquant ces fonds prématurément  ». On retrouve la même accusation de « légèreté » dans l’arrêt qui concerne M. Z ( n° 15/04048) . . Les insuffisances du bon de commande Le 9 janvier 2013, M. A signe un bon de commande de la Sarl EuroFrance Solaire pour l’installation d’un système  photovoltaïque, et une offre préalable de crédit affecté émanant de la banque Solfea. L’électricité produite est censée être revendue à EDF « au tarif maxi ». En juillet 2013, EDF l’informe qu’il ne pourra pas bénéficier d’une majoration du prix de vente, le dispositif de production ne remplissant pas les conditions prévues. Le 17 décembre 2013, la Sarl EuroFrance Solaire est placée en liquidation judiciaire. Le tribunal d’instance de Toulouse prononce l’annulation du contrat et du contrat de crédit associé. Solfea fait appel. La cour d’appel (n° 15/08101) relève que « le jugement déféré a à bon droit relevé les insuffisances du bon de commande qui, notamment, ne comportait pas le nom du démarcheur ni la nature précise et les caractéristiques des biens achetés, leur marque, la surface couverte, le lieu de pose du matériel et le délai exact de la livraison, la seule mention ‘ 2 à 3 mois’ ne remplissant pas les exigences des dispositions de l’article L 121 ‘ 23 du code de la consommation en sa rédaction alors applicable  ». La banque Solfea ayant objecté que M. A avait « nécessairement connaissance des vices affectant le contrat », la cour d’appel répond qu’ «aucun élément ne permet de retenir que M. A et [sa femme], simples consommateurs, aient eu connaissance des insuffisances de ce bon de commande et qu’ils ont sans ambiguïté entendu les réparer en laissant les travaux se réaliser et en signant l’attestation de fin de travaux ».  Elle confirme le jugement qui a prononcé l’annulation du contrat d’achat et le contrat de prêt accessoire, en notant notamment que « la banque a commis des fautes à la fois dans l’accord de financement et dans le déblocage des fonds qui la privent de la possibilité de se prévaloir, à l’égard de l’emprunteur, des effets de l’annulation du contrat de prêt ». . . Pas d’abus de faiblesse mais … Le 13 septembre 2012, M. W signe un bon commande de Groupe Solaire de France pour l’installation à son domicile de Tocane-Saint-Apre (Dordogne) d’une installation photovooltaïque, pour un prix de 19 900€. Il signe une offre de crédit accessoire auprès de la banque Solfea. Le 29 octobre 2012, il signe l’attestation de fin de travaux Comme son installation ne marche pas, il assigne le mandataire judiciaire de Groupe Solaire de France, et la société Banque Solféa devant le tribunal d’instance de Périgueux. Il demande la nullité du contrat de vente pour abus de faiblesse et pratique commerciale abusive – convaincu par le commercial, il a souscrit des engagements supérieurs à ses capacités financières. Il est débouté, faut d’apporter les preuves de ce qu’il avance. En appel, il insiste pour que la cour juge nul le bon de commande conclu à son domicile, pour non respect des articles L 121-21 et suivants du code de la consommation. La cour d’appel de Bordeaux (No 15/08101) rappelle que le contrat était conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile. « Il devait donc respecter le formalisme de l’article L 121-23 de l’ancien code de la consommation tel qu’applicable au jour de la formation du contrat. » Or, « force est de constater que le bon de commande produit ne satisfait pas à ces obligations et qu’il n’y satisfait pas au delà de ce qu’a retenu le premier juge »: en premier lieu « il n’y est pas mentionné les conditions d’exécution du contrat en particulier quant au délai de livraison« : « Celles-ci ne sont précisées que dans les conditions générales sous forme d’un délai générique de trois mois« . . . … non-respect de code de la consommation En outre, « la description des biens est particulièrement imprécise puisqu’elle se limite à la mention d’une installation photovoltaïque d’une puissance globale de 2 960 Wc sous forme de 12 panneaux de 250 Wc, sans aucune précision sur la marque ainsi que sur les caractéristiques essentielles des panneaux eux mêmes et de l’ensemble du dispositif ». Alors qu’il est prévu un financement à crédit, « aucune mention quant au taux d’intérêt et au montant des échéances ne figure sur le bon de commande« . Enfin « le bordereau de rétractation n’est pas facilement détachable ». La cour observe que la BNP paribas Personal Finance, qui vient aux droits de Solfea, « ne s’explique d’ailleurs pas véritablement sur les carences du bon de commande au regard des dispositions impératives du code de la consommation« . La BNP  fait valoir que « M. W avait nécessairement connaissance des vices affectant son contrat ». Or, selon la cour,  « on ne peut en particulier considérer que M. W. simple consommateur, avait connaissance des insuffisances du bon de commande et entendait les réparer en laissant les travaux se réaliser ». La cour décide que « le jugement sera ainsi infirmé et la nullité du contrat principal prononcée ». En outre,  constate-t-elle, « la banque a bien commis une faute »: il apparaît qu’elle « avait parfaitement les moyens par une vérification, même sommaire, du bon de commande, de se convaincre que le contrat était susceptible d’encourir une nullité« . Quant à l’attestation de fin de travaux dont se prévaut la BNP, elle n’est pas valable: « Il résulte de la pièce produite par la banque, au demeurant en copie de fort mauvaise qualité, que la signature apposée sur ce document n’est manifestement pas celle de M. W ».  En outre, « au delà même de la signature et à supposer que la banque n’ait pas été en mesure de détecter la fausse signature, le document présentait en lui même des incohérences ».