Une quarantaine de victimes tombées dans le panneau… photovoltaïque

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Plusieurs dizaines d’habitants de la région en ont rêvé, de leurs panneaux photovoltaïques et de tous les avantages induits : économies d’énergie et revente à ErDF. Mais les travaux n’ont jamais été achevés. Ils se sentent escroqués. Deux hommes sont poursuivis mais la défense pointe les « carences » du dossier.

  Plus un banc libre dans la salle du tribunal. En rangs serrés, une trentaine d’hommes et de femmes. Ils demandent des comptes aux deux hommes face aux juges, Jean-Pierre T. et Sabri B. Appel long et exhaustif de la présidente Hourtoule. Chacun leur tour, ils se lèvent. Ils sont venus de Chocques, d’Annezin, de Lillers, mais aussi de Merville, Saint-Omer, Dechy, Sin-le-Noble, Croisilles, Outreau, Jeumont…   À un moment ou un autre entre fin 2012 et fin 2014, ils ont rêvé de faire poser des panneaux photovoltaïques sur leur maison. La perspective, c’était des économies d’énergie et la possibilité de revendre de l’électricité à ErDF. Mais rien ne s’est passé comme prévu. «  On nous a fait signer une attestation de fin de travaux alors que les panneaux n’étaient pas en service. Les fonds ont été versés par la société de crédit à FRH.  » Et puis… rien, sauf des compteurs non raccordés, parfois des tuiles abîmées et des crédits qu’ils ont dû payer jusqu’au bout, voire paient encore.

« Un toit qui brille »

Un homme, fataliste, soupire : «  Depuis 2013, je n’ai rien, sauf un toit qui brille, ça fait cher…  » Un autre raconte que l’entreprise FRH a lancé les travaux «  avant d’avoir l’autorisation de la mairie. Je vis dans la crainte de devoir démonter à mes frais  ». D’autres ont dû faire les branchements à leurs frais, mais la production d’électricité est très en deça des quantités promises. Ils comptaient aussi sur des cadeaux tels qu’un écran plat. Cumulé, le préjudice flirte avec les… 600 000 € !   Contre qui se retourner ? FRH n’existe plus. Les clients étaient démarchés par un call-center au Maroc, dont le patron était Sabri B. Le listing était fourni à FRH dont les commerciaux rendaient visite aux prospects, avant signature du contrat. « Je n’étais pas gérant, mais j’ai haussé le ton parce que des clients appelaient pour se plaindre » FRH est née de la revente d’une autre société et l’enjeu des débats est de savoir qui en était le gérant. Jean-Pierre T., gérant de paille ou pas ? Ce plombier de formation dit qu’il a accepté pour aider «  car je n’étais pas interdit bancaire  ». Sabri B., « ingérant » à chaque retour du Maroc ? Des témoins les accablent, mais se contredisent parfois. Sabri B. ne se décrit que comme « partenaire, pas gérant. J’ai juste haussé le ton parce que des clients se plaignaient  ». Il accuse l’homme qui a vendu la société, «  il est où avec ses 62 % de parts ? S’il ne m’accusait pas, il serait là à ma place…  » Tous deux nient l’escroquerie, «  c’était 30 plaintes sur plus de 250 chantiers !  » Pas simple de s’y retrouver, peste l’avocat de Sabri B. (lire ci-dessous). Le tribunal a mis la décision en délibéré au 29 mars.
La défense dénonce «des carences»
Me Leroy s’excuse, il sait qu’il a été long. Mais au fond l’avocat de Sabri B. ne regrette rien : sa plaidoirie, une charge contre le Parquet, est une litanie implacable de «  carences  ». «  Un juge d’instruction aurait pu chercher les tenants et les aboutissants. Mais non, le ministère public a juste groupé les plaintes, un élu a rué, la brigade financière de Carvin a été saisie. Il n’y a eu aucune confrontation. On s’est dit, on en a deux, on va les déclarer coupables, ça apaisera tout le monde…  » Et d’égrener les questions sans réponses : «  Y a-t-il eu des investigations sur le call-center ? Non. Pas un commercial n’a été entendu. Comment la société a-t-elle été vendue, comment se sont faits les échanges de fonds ? On ne sait pas. S’est-on intéressé à Domofinances ? Pourtant la comptable dit que son interlocuteur jusqu’en 2013 était M. J., pourtant censé avoir quitté FRH. Ne tirait-il pas les ficelles dans l’ombre ? Combien de clients ont été installés sur la période ? Où est passé l’argent viré à Domofinances ? Il y avait un partenariat entre le call-center et FRH, mais ça ne veut pas dire que c’était le même dirigeant. Ingérance ne veut pas dire gérance de fait ! Oui, il a «gueulé» parce que Jean-Pierre T. arrivait à 15 h, alcoolisé, et que des clients se plaignaient. Au Maroc, il avait des salariés à payer.  » L’avocat se tourne vers un confrère représentant une victime. «  Même mon confrère se demande pourquoi il n’y a pas eu d’instruction… Je vous souhaite bon courage pour faire votre religion.  » Lui-même exigerait «  un complément d’information  ». La suite le 29 mars.
Le Parquet sûr de son fait
Mis en cause par l’avocat de Sabri B., le ministère public reste droit dans ses bottes. Sa représentante parle «  d’enquêteurs méthodiques  » parmi les forces de police, quand bien même aucun juge d’instruction n’a été désigné, et reste convaincue d’avoir face à elle les deux hommes les plus à même de répondre de faits d’escroquerie. «  On appâte le client avec une télé ou un chèque protocolaire. Après c’est une escroquerie, le travail n’est pas fait. L’entreprise n’existe plus, ce n’est pas sur les commerciaux que porte la responsabilité, mais sur les dirigeants. » Pourquoi l’autre associé au moment du rachat n’est-il pas poursuivi ? «  Il a quitté l’entreprise 2 ou 3 mois après. » Elle a requis la même peine contre Jean-Pierre T. et Sabri B. : 2 ans de prison, dont une partie avec sursis et mise à l’épreuve, obligation de travail et d’indemniser les parties civiles, et 5 ans d’interdiction de gérer.
source : la voix du nord