Bon de commande falsifié : Devoir de vérification de la banque
La Cour d’Appel de Riom réaffirme la nullité du contrat de vente en cas de refus de financement et la nullité du prêt du fait des fautes de la banque.
Dans cette affaire, il était question d’un contrat portant sur la fourniture et la pose d’une centrale photovoltaïque par la Société DEEGON financé par un prêt affecté proposé par la banque SOFEMO devenue COFIDIS, après qu’un premier prêt ait été refusé par la banque DOMOFINANCE. Plusieurs irrégularités pouvaient être soulevées.
L’un des bon de commande avait été falsifié afin de pouvoir demander un prêt à une autre banque que celle inscrite sur le bon de commande suite à un refus de financement sans en avertir le client. Ainsi, la contrat avait été résilié de plein droit suite au refus de financement. La falsification avait, de toutes façons, entrainé la nullité du bon de commande.
Par conséquent, le contrat de prêt affecté au contrat de vente est aussi annulé de plein droit.
La Cour en a déduit que la banque avait été fautive en ce qu’elle n’avais pas relevé les nombreuses différences entre le bon de commande et le crédit comme le montant et le nombre de mensualités ou le TEG et le taux nominal. Ainsi, la banque doit rembourser l’ensemble des sommes qu’elle a perçue en réparation de sa faute..
Décisions de justice
Cour d’appel de Riom – Chambre commerciale – 13 décembre 2023 – n° 22/00902
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale ARRET N°557
DU : 13 Décembre 2023
N° RG 22/00902 – N° Portalis DBVU-V-B7G-FZUR VD
Arrêt rendu le treize Décembre deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 25 janvier 2022 par le Tribunal Judiciaire de CLERMONT- FERRAND (RG N°20/04610)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
- [J] [I] [Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT ET :
S.A. COFIDIS
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 325 37 106 [Adresse 7]
[Localité 3]
Représentants :Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Jean-Pierre HAUSSMANN de la SELARL HAUSSMANN (avocat plaidant) KAINIC HASCOËT, avocat au barreau d’ESSONNE
S.E.L.A.R.L. JEROME ALLAIS
ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL DEEGON, désigné à cette fin par ordonnance du Tribunal de Commerce de Lyon du19/04/2022
[Adresse 4]
[Localité 6]
Non représentée, assignée à personne habilitée INTIMÉES
DEBATS : A l’audience publique du 25 Octobre 2023 Madame DUFAYET a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 13 Décembre 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 13 Décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Virigine THEUIL-DIF, Conseiller, pour le Président empêché, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Par contrat en date du 15 mai 2012, M. [J] [I] a commandé auprès de la société Deegon exerçant sous l’enseigne Dematelys la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques sur la toiture de sa maison pour un montant de 30 000 euros.
Dans un premier temps, M. [I] a sollicité un financement auprès de la société Domofinance, lequel
lui a été refusé.
Un contrat de crédit affecté a finalement été souscrit auprès de la société Sofemo d’un montant de 30 000 euros, remboursable suivant 132 mensualités.
Par exploit d’huissier en date du 11 janvier 2014, M. [I] a fait assigner la société Sofemo devenue Cofidis ainsi que la société Deegon devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand afin notamment d’obtenir la nullité du bon de commande et la nullité subséquente du contrat de crédit.
La société Deegon a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 3 novembre 2015 et maître [P] désigné en qualité de liquidateur. La procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif le 6 juin 2019.
La procédure a été marquée par deux incidents devant le juge de la mise en état, chacun donnant lieu à une procédure d’appel.
Par jugement du 25 janvier 2022, le tribunal a :
– déclaré irrecevables les demandes de M. [I] à l’égard de la société Cofidis en ce qu’elles sont fondées sur l’irrégularité du contrat principal,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné M. [I] à payer à la société Cofidis la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [I] au entiers dépens de l’instance,
– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
Le tribunal a relevé que le demandeur, qui entend se prévaloir de la nullité du contrat principal pour obtenir l’annulation du contrat de prêt, devait faire désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société Deegon, laquelle n’a pas été régulièrement attraite à l’instance.
- [I] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 26 avril 2022.
A la suite de sa requête présentée au président du tribunal de commerce de Lyon, une ordonnance du 19 avril 2022 a désigné la SELARL Jérôme Allais en qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société Deegon devant la cour d’appel.
Par conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, l’appelant demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a déclaré sa demande irrecevable,
– en conséquence, dire son action recevable,
– y ajoutant sur le fond :
– débouter la SA Cofidis de sa demande tendant à voir acquise la prescription quinquennale et à voir déclarer irrecevables comme nouvelles ses demandes,
– réformer le jugement rendu en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes,
– en conséquence,
– vu l’autorité de la chose jugée de la décision de la cour d’appel de Lyon,
– vu les dispositions de l’article L.311-21 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au jour du contrat,
– prononcer la nullité, ou, à tout le moins, la résolution du contrat de prêt Sofemo,
– à titre subsidiaire :
– prononcer la nullité du contrat de vente de la centrale photovoltaïque signé avec la société Deegon,
– par suite, prononcer la nullité du contrat de crédit Sofemo,
– en tout état de cause, prononcer la nullité du contrat de crédit Sofemo,
– en tant que de besoin, ordonner une expertise graphologique,
– en tout état de cause, condamner la société Cofidis aux droits de Sofemo à lui payer les sommes de :
– 19 182,15 euros au titre du coût du crédit à parfaire,
– 96 813,50 euros sauf à parfaire au titre de la perte de chance de ne pas contracter,
– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,
– débouter la société Cofidis venant aux droits de Sofemo de sa demande de remboursement de la somme de 30 000 euros correspondant au capital emprunté déduction faite des échéances payées,
– à défaut,
– vu les articles 370 et suivants,
– dire le jugement non avenu,
– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Cofidis la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– débouter la société Cofidis de toutes ses demandes au titre de l’article 700 et des dépens,
– condamner la société Cofidis à lui porter et payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel et faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Lexavoué [Localité 8] [Localité 5], prise en la personne de maître Gutton.
Suivant conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 26 octobre 2022, la banque intimée demande à la cour de :
– à titre principal :
– déclarer M. [I] irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions, la prescription étant acquise,
– déclarer M. [I] irrecevable en ses demandes nouvelles présentées pour la première fois en cause d’appel,
– en conséquence, le déclarer irrecevable à solliciter sa condamnation à lui payer les sommes de 18 300,99 euros au titre du coût du crédit, 86 322,77 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter, 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. [I] irrecevable en ses demandes faute d’avoir fait désigner un administrateur ad hoc pour représenter la société venderesse en première instance,
– condamner M. [I] à poursuivre l’exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d’amortissement,
– à titre subsidiaire, si la cour venait à infirmer le jugement, à déclarer M. [I] recevable en ses demandes, et à prononcer la nullité des conventions :
– condamner M. [I] à lui rembourser le capital emprunté, soit la somme de 30 000 euros, au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées, en l’absence de faute de sa part et en toute hypothèse en l’absence de préjudice et de lien de causalité,
– en tout état de cause :
– déclarer M. [I] mal fondé en sa demande de condamnation à son encontre à lui payer 14 322,77 euros au titre de la remise en état de la toiture, et l’en débouter,
– déclarer M. [I] mal fondé en sa demande de condamnation à son encontre à lui payer 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et l’en
débouter,
– déclarer M. [I] mal fondé en sa demande de condamnation à son encontre à lui payer 86 322,77 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter, et l’en débouter,
– déclarer M. [I] mal fondé à solliciter sa condamnation à lui payer la somme de 18 301,99 euros au titre du coût du crédit et l’en débouter,
– condamner M. [I] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [I] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– y ajoutant, condamner M. [I] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
- [I] a fait assigner devant la cour d’appel la SELARL Jérôme Allais ès qualités par acte du 27 juin 2022 remise à personne habilitée. Elle n’a pas constitué avocat.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé complet de leurs prétentions et moyens. La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 juin 2023.
Motivation de la décision
1/ Sur la recevabilité des demandes de M. [I] à l’égard de la société Cofidis en ce qu’elles sont fondées sur le contrat principal
A titre principal, l’appelant indique que par un jugement du tribunal correctionnel de Lyon en date du 30 juin 2016, confirmé par la cour d’appel, Mme [V] et la SARL Deegon ont été déclarées coupables de pratiques commerciales trompeuses. La cour d’appel a relevé dans son arrêt que ‘un bon de commande a été falsifié, une nouvelle société de crédit a été recherchée par la société Deegon sans que [J] [I] ait été informé immédiatement du refus initial de la société Domofinance ce qui conduisait pourtant à la résiliation de plein droit du contrat’. Il estime donc que cette décision a autorité de la chose jugée en ce que le contrat principal est résilié, rendant inutile d’attraire à la procédure la société Deegon, le juge civil étant tenu par la décision du juge pénal.
A titre subsidiaire, il indique qu’en cause d’appel il a sollicité la désignation d’un mandataire ad hoc et l’a obtenue, de sorte que la procédure est régularisée.
En réponse à l’intimée qui prétend que la régularisation en cause d’appel n’est pas possible, il soutient qu’il s’agit d’une nullité de fond susceptible de régularisation en cause d’appel, et non d’une fin de non-recevoir, laquelle serait également régularisable en toute hypothèse.
L’intimée rétorque que les juridictions pénales n’ont pas prononcé la nullité du contrat de vente, mais ont seulement retenu une qualification de pratiques commerciales trompeuses. Le vendeur devait donc être attrait à la procédure civile et l’appelant ne peut pas régulariser la procédure à l’égard du vendeur en cause d’appel, sauf à priver ce dernier du double degré de juridiction.
Sur ce, il est constant que les décisions pénales ont au civil autorité absolue à l’égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l’existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé.
En l’espèce il résulte de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon en date du 2 mai 2018 que Mme [V], étant gérante de la SARL Deegon, a été déclarée coupable de pratiques commerciales trompeuses au préjudice de M. [J] [I]. La qualification détaillée de l’infraction était rédigée comme suit : ‘d’avoir à [Localité 6], entre le 15 mai et le 31 juillet 2012, en tous cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, étant gérante de la SARL Deegon (nom commercial Dematelys), commis des pratiques commerciales trompeuses reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur les qualités substantielles de la marchandise ou les caractéristiques essentielles du service, et notamment les conditions de vente, de paiement et de livraison, en l’espère, alors qu’une demande de financement d’une installation de panneaux photovoltaïques auprès de Domofinance avait été signée le 15 mai 2012 par [J] [I], et avait été refusée par Domofinance dès le 18 mai 2012, modifié le bon de commande signé par celui-ci et l’avoir adressé à Sofemo sans en informer
[J] [I], alors que, faute d’avoir obtenu un financement, le contrat était résilié de plein droit, et d’avoir ensuite adressé à [J] [I], postérieurement à l’installation des panneaux photovoltaïques le 17 juillet 2012, un contrat de crédit Sofemo daté du 15 mai 2012 à des conditions moins favorables, en lui demandant de le signer, le privant ainsi de la possibilité d’utiliser le délai de rétractation et ce au préjudice de [J] [I].’
Dans le corps de sa décision, la cour rappelle en page 7 que le ‘bon de commande a été falsifié’.
Il résulte très clairement de cette prévention dont Mme [V], en qualité de gérante de la SARL Deegon, a été déclarée coupable, que le bon de commande signé par M. [I] auprès de la société Deegon a été falsifié par cette dernière, cette falsification constituant l’un des éléments matériels de l’infraction. Dans ces conditions, la nullité du contrat au plan civil est évidemment encourue, la falsification excluant le consentement des parties tel qu’exigé par l’article 1128 du code civil (ancien article 1108). Cependant, la juridiction pénale ne pouvant pas prononcer la nullité d’un contrat au plan civil, et dans la mesure où M. [I] sollicitait devant la juridiction de première instance que soit ‘prononcée la nullité du bon de commande’, la SARL Deegon devait être régulièrement attraite à la procédure.
Cette société, ainsi que son liquidateur, ont bien été assignés par M. [I] devant le tribunal de grande instance. Cependant, au cours de cette procédure qui a duré près de 8 ans, la SARL Deegon a fait l’objet d’une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif le 6 juin 2019, de sorte que le liquidateur n’avait plus qualité pour la représenter lors de l’audience du 22 novembre 2021.
Or, il résulte des dispositions de l’article 554 du code de procédure civile ceci : ‘peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt, les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité’. La SARL Deegon n’était pas valablement représentée en première instance, la régularisation en cause d’appel telle que diligentée par l’appelant est possible.
Par suite, la décision sera infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes de M. [I] à l’égard de la société Cofidis en ce qu’elles sont fondées sur l’irrégularité du contrat principal.
2/ Sur la prescription soulevée par la SA Cofidis
La SA Cofidis rappelle qu’en vertu de l’article 2224 du code civil, la prescription est de cinq ans. Elle indique que M. [I] a engagé contre elle une action en responsabilité pour ne pas avoir vérifié la régularité du bon de commande au visa des dispositions du code de la consommation. M. [I] a réglé la première échéance du prêt le 5 août 2013, de sorte qu’à cette date il ne pouvait ignorer que la SA Cofidis avait financé l’opération. Il disposait à partir de cette date d’un délai de cinq ans expirant le 5 août 2018 pour agir contre elle, ce qu’il n’a pas fait puisque la première demande en ce sens a été réalisée pour la première fois en cause d’appel par des conclusions du 26 juillet 2022.
L’appelant lui reproche également de ne pas avoir détecté la falsification des documents, or dès l’assignation du 11 janvier 2014 il connaissait ces falsifications et devait agir en responsabilité
contre elle au plus tard le 11 janvier 2019, et non pour la première fois à la faveur des conclusions d’appel pré-citées.
En réponse, l’appelant soutient que dès son assignation il a entendu engager la responsabilité de la SA Cofidis, sollicitant non seulement une restitution réciproque des prestations initiales mais également une remise en état de sa toiture. Le délai de prescription court depuis la décision pénale définitive du 2 mai 2018 et n’avait donc pas expiré à la date de ses conclusions, y compris en cause d’appel.
Sur ce, afin de déterminer si l’action de M. [I] est prescrite, il convient d’en identifier la nature et le fondement.
Il résulte du jugement dont appel que devant la juridiction de première instance, il sollicitait aux termes de son assignation ‘la nullité du bon de commande et la nullité subséquente du contrat de crédit’ et, aux termes de ses dernières conclusions de première instance ‘la nullité du bon de commande et du contrat de financement consenti par la société Sofemo’.
Devant la cour, il sollicite la réformation de la décision et, à titre principal, vu l’autorité de la chose jugée au pénal, ‘la nullité ou à tout le moins la résolution du contrat de prêt’, mais également à titre subsidiaire ‘la nullité du contrat de vente et par suite la nullité du contrat de crédit’.
L’action de M. [I] est donc une action en nullité et ses demandes sont identiques en première instance et en cause d’appel.
Il résulte des dispositions de l’article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se préscrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il résulte de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon précité que M. [I] a eu connaissance de la falsification du contrat principal au plus tard le 19 juin 2013 puisque c’est la date à laquelle il a adressé un courrier à la direction départementale de la protection des populations du Puy-de- Dôme afin de déposer plainte contre son vendeur. Dans la mesure où, pour solliciter la nullité du contrat de crédit affecté, il argue de la falsification du contrat de vente principal, la découverte de cette falsification constitue le point de départ de la prescription. Ayant engagé son action civile en nullité par assignation en date du 11 janvier 2014, elle n’était pas prescrite. En toute hypothèse, le contrat principal ayant été signé le 15 mai 2012, l’action en nullité engagée moins de deux ans après n’était pas prescrite.
3/ Sur la demande de nullité des contrats
Se fondant sur les dispositions de l’article L.311-21 du code de la consommation, l’appelant soutient à titre principal la nullité du contrat de prêt au titre de l’autorité de la chose jugée issue de la décision de la cour d’appel de Lyon du 2 mai 2018 en ce qu’elle a jugé que le contrat d’installation de la centrale photovoltaïque était résolu, ou à tout le moins en ce qu’elle a jugé que le bon de commande avait été falsifié.
A titre subsidiaire, il sollicite la nullité du contrat principal entraînant la nullité subséquente du
contrat de prêt. Il fait valoir que le contrat principal est nul en raison des falsifications, mais également en raison d’autres causes de nullité au visa des dispositions du code de la consommation.
En réponse, la SA Cofidis ne développe que des arguments sur la prescription, lesquels ont été rejetés plus avant.
Sur ce, ainsi que cela a été dit plus avant, il est établi pénalement que le bon de commande signé par M. [I] a été falsifié par le vendeur. Cette falsification exclut le consentement des parties exigé par l’article 1128 du code civil (ancien article 1108) et permet à la cour de prononcer la nullité du contrat de vente.
Il résulte des dispositions de l’article L.311-32 du code de la consommation applicable à la date de signature du contrat, et non de l’article L.311-21 comme indiqué par l’appelant, qu’en ‘cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.’
Le contrat principal étant annulé, le contrat de crédit auprès de la SA Cofidis est ainsi annulé de plein droit.
4/ Sur les conséquences de l’annulation des contrats
L’appelant sollicite la condamnation de l’intimée à lui verser les sommes suivantes :
– 19 182,15 euros au titre du coût du crédit à parfaire,
– 96 813,50 euros sauf à parfaire au titre de la perte de chance de ne pas contracter,
– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.
Il soutient que la banque ne pouvait pas ignorer que le bon de commande était falsifié car la date ne correspondait pas à la date à laquelle il a été transmis (date du bon de commande 15 mai 2012/ date de réception de la demande de financement le 24 juillet 2012) et donc que les 14 jours du délai de rétractation n’avaient pas été respectés. Les taux figurant sur le bon de commande ne correspondaient pas à ceux de Sofemo. Les surcharges du bon de commande étaient visibles.
La SA Cofidis rétorque que :
– si la cour devait prononcer la nullité des contrats, M. [I] devrait quand même rembourser le capital emprunté à hauteur de 30 000 euros,
– l’appelant formule pour la première fois en cause d’appel des demandes indemnitaires nouvelles et donc irrecevables,
– elle n’a pas commis de faute au stade de la libération des fonds car :
. elle n’est pas le mandataire de la banque,
. elle ne pouvait pas déceler la falsification,
. l’appelant a signé l’attestation de livraison.
L’annulation des contrats conduit à ce que les parties soient replacées dans leur état originel, ce qui implique dans les rapports prêteur/emprunteur, l’obligation pour le prêteur de rembourser aux emprunteurs les échéances réglées par ces derniers, soit une somme de 44 782,39 euros selon les affirmations de l’appelant non contredites par l’intimée (page 18 de ses conclusions).
S’agissant du remboursement par l’emprunteur du capital prêté, il s’évince des articles L.311-31 et L.312-55 du code de la consommation que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Cass. Civ 1ère 25 novembre 2020, 19-14.908).
En l’espèce, le prêteur ne pouvait pas ignorer les irrégularités du contrat principal notamment aux motifs suivants :
– le bon de commande comporte des surcharges dans la partie ‘désignation’ figurant en fin de contrat et relative aux mensualités du prêt,
– le TEG et le taux nominal figurant sur le bon de commande sont différents de ceux figurant sur l’offre de prêt,
– le montant et le nombre de mensualités diffèrent entre le bon de commande et l’offre de prêt.
L’imprudence fautive de l’organisme de crédit qui a financé un contrat comportant de telles irrégularités est en conséquence caractérisée.
La privation de la créance de restitution du prêteur ne peut toutefois être prononcée qu’à la mesure du préjudice subi par l’emprunteur en lien avec les fautes retenues.
A ce titre il sera relevé que si les demandes indemnitaires de M. [I] sont plus importantes en cause d’appel qu’en première instance, elles procèdent cependant du même fondement qui est la demande de nullité du contrat, de sorte qu’elles ne sauraient être qualifiées de nouvelles comme le prétend l’intimée.
Si l’emprunteur allègue l’existence d’une installation défectueuse et un défaut d’étanchéité des panneaux posés, force est de constater qu’il ne le prouve pas. En effet les photographies produites sont insuffisantes à démontrer cet état défectueux, de même que le devis de couverture.
Il ajoute qu’il n’aurait pas pu profiter de son bien immobilier en raison des fuites, ce qui est encore moins démontré.
Le seul préjudice allégué et établi est celui lié au coût du crédit. En effet, M. [I] a perdu une chance de contracter à d’autres conditions financières que celles qui lui ont finalement été imposées, voire de renoncer à ce contrat.
Ces circonstances justifient que la SA Cofidis soit privée de sa créance restitution à hauteur du tiers du capital emprunté, soit la somme de 10 000 euros.
Enfin, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ne saurait prospérer, M. [I] étant à l’initiative de la procédure et la SA Cofidis n’ayant fait que défendre à la
procédure.
5/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant à l’instance, la SA Cofidis devra payer une somme de 4 000 euros à M. [I] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et supporter les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Juge recevables en cause d’appel les demandes de M. [J] [I] à l’égard de la SA Cofidis en ce qu’elles sont fondées sur le contrat principal,
Déboute la SA Cofidis de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de M. [J] [I],
Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 15 mai 2012 entre la SARL Deegon, exerçant sous le nom commercial Dematelys, et M. [J] [I],
Constate la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre société Sofemo, devenue la SA Cofidis, et M. [J] [I],
Ordonne que les parties soient replacées dans leur état originel,
En conséquence, condamne la SA Cofidis à payer à M. [J] [I] l’intégralité des montants déjà versés par lui soit une somme de 44 782,39 euros au 5 juin 2023, somme à parfaire au jour de la signification de la décision,
Dit que les fautes commises par la SA Cofidis justifient que l’emprunteur soit dispensé du remboursement de la somme de 10 000 euros,
Condamne par conséquent M. [J] [I] à rembourser à la SA Cofidis la somme de 20 000 euros, Ordonne la compensation des créances réciproques de M. [J] [I] et de la SA Cofidis,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la SA Cofidis à payer à M. [J] [I] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Cofidis aux dépens de l’entière procédure de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué [Localité 8] [Localité 5], prise en la personne de maître Barbara Gutton.
Le Greffier Pour le Président empêché
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