L'autoconsommation chez les particuliers décolle en France, le monde de l'énergie en parle.

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L’année 2018 a marqué un tournant dans la manière dont les Français perçoivent le photovoltaïque. À la fin du troisième trimestre de cette année, 33 000 sites en autoconsommation étaient raccordés au réseau Enedis, contre 14 000 en 2017.

Une belle accélération qui amorce peut-être le rattrapage du retard accumulé par la France au regard de ses propres objectifs d’énergie renouvelable mais aussi des pays Européens.

Pourquoi ce retard ? Et pourquoi la naissance d’une telle dynamique ? Un petit retour sur les causes du particularisme français s’impose.

La France, une exception énergétique La France a historiquement misé sur le nucléaire pour s’approvisionner en électricité. La filière alimente 72,5 % des besoins de la France (2016) et a permis pendant longtemps un prix du kWh très bas comparativement aux autres pays européens.

Si on regarde outre-Rhin, l’Allemagne a pris le chemin du renouvelable avant nous. Sa sortie précipitée du nucléaire après l’accident de Fukushima a accéléré sa transition vers les énergies renouvelables. En 2017, la puissance installée totalisait 42 GWc et 6,1% de la production totale du pays contre, en France, 7,65 GWc et 1,9 % de la production. 1,5 millions de foyers allemands sont aujourd’hui équipés d’installations en autoconsommation contre environ 30.000 foyers français.

Le prix élevé du kWh en Allemagne a poussé le passage au photovoltaïque dans un pays où, pourtant, les régions les plus ensoleillées peinent à atteindre la moyenne d’ensoleillement de la France métropolitaine.

De fait, plus votre facture est élevée, plus vous économiserez à autoconsommer votre production photovoltaïque. Quand le prix unitaire des kWh produits au cours de la durée de vie de l’installation arrive au niveau du tarif de vente du kWh sur le réseau, c’est ce qu’on appelle la parité réseau. Installer du solaire devient alors plus intéressant que d’acheter son électricité à un des 30 fournisseurs présents sur le marché.

En France, le prix faible du kWh a joué en défaveur du solaire. Mais l’écart de tarif avec les autres pays européens tend à se réduire. La CRE (Commission de Régulation de l’Énergie) annonce tous les ans des hausses du tarif réglementé de l’électricité.

Cette année par exemple, une hausse de 6% est annoncée pour le printemps et sera complétée par une autre hausse à venir en automne.. Sur les 10 dernières années, le prix du kWh a grimpé de plus de 30%, en cause, la hausse des taxes et le coût de retraitement des centrales nucléaires trop longtemps reporté à plus tard.

Un cadre réglementaire à l’histoire mouvementée Le photovoltaïque se dégage peu à peu la place de choix qui lui revient : une énergie bon marché, créatrice de nombreux emplois, non polluante et ne nécessitant pas de ressources rares pour sa fabrication. L’évolution du photovoltaïque en France a été quelque peu chaotique.

Les pouvoirs publics ont initialement favorisé le développement de la filière par la création du tarif d’achat. Quand on installait chez soi des panneaux, le plus rentable était alors de vendre la totalité de la production qu’un dispositif légal, EDF Obligation d’Achat, achetait à un tarif préfixé et fortement avantageux. Les installations étaient ainsi rentabilisées facilement malgré leurs prix élevés à l’époque.

Cependant en 2010, le gouvernement a fait machine arrière. La filière photovoltaïque a subi l’effet d’un engouement qui a dépassé ce que les pouvoirs publics prévoyaient. Un moratoire stoppant les tarifs d’achat a donc été lancé et durera quelques mois.

Les installateurs de photovoltaïque se sont réorientés ou ont fermé boutique. Les distributeurs et fournisseurs ont également subi de plein fouet cet arrêt brutal. Puis, les tarifs d’achat ont repris et la filière a pu se reconstruire.

Le moratoire aura eu au moins l’effet bénéfique de se débarrasser de bon nombre des sociétés pratiquant les arnaques au photovoltaïque (prix trois fois supérieurs au marché, revenus annoncés mensongers, crédit à la consommation à taux usurier souscrit avec un bon de commande, etc).

Les tarifs d’achat sont revus à la baisse trimestriellement en fonction du nombre de raccordement au réseau Enedis. Ainsi, quand le coût d’investissement recule à mesure que la filière se structure, la rentabilité reste la même.

Un tournant s’amorce en 2017 avec un arrêté tarifaire paru en mai : pour la première fois, il est devenu plus rentable d’autoconsommer sa production plutôt que de la vendre.

Une éclaircie pour le photovoltaïque français Encadrant l’autoconsommation légalement et la favorisant par un système de prime à l’investissement, l’arrêté tarifaire envoie un message positif fort qui redonne espoir et relance la filière.

L’année suivante, en juin 2018, Sébastien Lecornu, secrétaire d’État de la Transition écologique et solidaire, annonce le plan “Place au Soleil” dévoilant les objectifs de croissance du photovoltaïque en France et les actions entreprises pour les remplir.

Le développement rapide de l’autoconsommation est pourtant bien un mouvement porté par de réelles motivations des Français. Selon un sondage Opinionway pour Enerplan, 47% des Français se disent prêts à investir dans une installation photovoltaïque.

La volonté de mieux maîtriser leurs dépenses énergétiques arrive en tête des motivations, suivie de près par l’ambition de lutter contre le réchauffement climatique.

Le photovoltaïque est l’affaire de tous. Nous vivons la transition d’un modèle centralisé de production où les décisions étaient imposées depuis le haut, à un modèle où la production pourra se faire depuis le toit de chacun.

L’autoconsommation photovoltaïque est la version énergétique de la tendance “produire local, consommer local” qui génère tant d’attraction dernièrement. Les Français passant au solaire deviennent acteurs de leur consommation et s’émancipent de leur rôle de consommateurs passifs.

Le plan “Place au Soleil” a aussi ouvert la voie à d’autres modes de production et de consommation comme l’autoconsommation collective.

De profonds bouleversements sont à venir dans le paysage français de l’énergie. Pour pallier l’intermittence de la production, les technologies de stockage de l’électricité se développent et leur prix baisse drastiquement. Du reste, des boîtiers de domotique ont été créés afin de suivre et d’optimiser sa consommation en fonction de la production.

Les modes de consommation énergétique sont autant voués à changer que les modes de production. Maintenant que tous les voyants sont au vert, le photovoltaïque s’impose comme solution incontournable de ces changements.

source :le monde de l'energie